Réalisations et faits marquants

 

Le sommeil est un processus physiologique essentiel au bon fonctionnement de notre cerveau. Les troubles du sommeil sont très fréquents, en particulier chez les personnes âgées, et ils sont associés à des pathologies du cerveau. Notre objectif est de mieux comprendre les mécanismes de régulation du cycle veille-sommeil, en particulier sur des « maladies modèles » d'hypersomnolence, comme la narcolepsie (la forme de somnolence la plus sévère chez l'homme) et chez la personne âgée. Nous avons développé deux thématiques liées aux pathologies du sommeil et à leur physiopathologie :

 

1) Hypersomnolence centrale (narcolepsie)

La somnolence diurne excessive (SDE) se caractérise par une difficulté à rester éveillé et alerte pendant la journée, le sommeil se produisant involontairement ou à des moments inappropriés de la période d'éveil. La SDE est souvent associée à un large éventail de maladies, notamment métaboliques, cardiovasculaires, neurologiques et psychiatriques, mais aussi à des comportements volontaires reflétant un mauvais sommeil et un déficit de sommeil, entraînant un handicap et un risque accru de mortalité. La SDE est également souvent associée à des conséquences sociales et économiques, constituant ainsi un problème de santé publique important. Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer la SDE : une prédisposition génétique responsable d’un mécanisme auto-immun ainsi que l’influence de facteurs environnementaux. La narcolepsie avec cataplexie représente la forme la plus sévère de SDE. Elle est l'un des troubles du sommeil les plus étudiés au niveau moléculaire. La narcolepsie est un trouble invalidant caractérisé par une SDE sévère ainsi que par des accès de sommeil irrésistibles et des cataplexies (perte soudaines du tonus musculaire à déclenchement émotionnel), des paralysies du sommeil ainsi que des hallucinations hypnagogiques. La narcolepsie avec cataplexie a été renommée narcolepsie de type 1 en raison de la déficience en hypocrétine/orexine causée par la perte sélective des neurones à hypocrétine hypothalamiques. Cette maladie neurologique représente un modèle unique pour étudier le rôle du système hypocrétine dans la régulation du processus veille-sommeil, mais aussi dans un large éventail de comportements et de fonctions. Nous avons étudié la narcolepsie en utilisant diverses approches cliniques et translationnelles, afin de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques de la SDE aux niveaux clinique, physiologique, immunologique et génétique, et ainsi développer des traitements pharmacologiques innovants pour la SDE.

 

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2) Troubles du sommeil et vieillissement

A partir de la cohorte en population générale des 3 Cités (3C), notre équipe a montré que l’insomnie et la SDE étaient des facteurs de risque indépendants de symptômes dépressifs. Nous avons également mis en évidence que le SDE était un facteur de risque de dysrégulation de la fonction rénale, d'événements cardio-vasculaires et de mortalité, et qu'elle était associée à un déclin cognitif et à une démence précoce. Nous avons confirmé ce résultat et montré, à partir d’un sous-échantillon issu de l'essai préventif multi-domaine sur la maladie d'Alzheimer (MAPT), qu'une longue durée de temps passé au lit augmentait le risque de déclin cognitif chez des personnes âgées et fragiles. L'hypothèse suggère un mécanisme complexe par lequel les changements de la structure du sommeil pourraient jouer un rôle dans la pathogénie de la maladie d'Alzheimer. Nous avons souligné la complexité des interactions entre des concentrations d’hypocrétine-1 (orexine) dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) et des taux de peptide β-amyloïde dans le processus de la maladie d'Alzheimer (MA), les concentrations d'orexine du LCR et d'amyloïde étant corrélées négativement dans le processus de la MA. Notre intérêt s'est également porté sur l'histoire naturelle de la SDE et sur les facteurs de risque associés à la SDE à partir d'une étude épidémiologique auprès de sujets adultes québécois. Notre étude rapporte des états fluctuants de SDE. Des facteurs psychologiques et de modes de vie seraient des facteurs de risques de SDE potentiellement modifiables. Cependant, la somnolence persistante serait associée à des maladies chroniques, mettant ainsi en évidence un groupe homogène à risque nécessitant une gestion spécifique.

L'étude de la SDE et des systèmes à hypocrétine /orexine ouvre également de nouveaux champs de recherche dans le domaine de la neurodégénérescence, en particulier de la maladie d'Alzheimer mais également dans les processus liés au stress via l’activation du système nerveux autonome.

 

Recherche en cours et résultats attendus

  •  Mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques de la narcolepsie au niveau clinique (cataplexie), physiologique (déficience en orexine), immunologique (cellules T CD8+), génétique (HLA) et environnemental (grippe H1N1)

  •  Développer des traitements pharmacologiques innovants (agoniste inverse des récepteurs H3 à l'histamine, Solriamfétol, agoniste et antagonistes de l'orexine)

  • Identifier de nouveaux biomarqueurs pour mieux caractériser les endophénotypes, les altérations immunitaires et les interactions environnementales dans la narcolepsie et les hypersomnolences

  • Évaluer les déterminants et les conséquences de l'altération du sommeil chez les personnes âgées

  • Comprendre les mécanismes impliqués dans l'association entre les troubles du sommeil et la maladie d'Alzheimer, avec une association entre les concentrations d'orexine du LCR et d'amyloïde

  • Développer des interventions thérapeutiques du sommeil pour prévenir le déclin cognitif dans les populations à risque

Les résultats ouvriront la voie à des essais ciblés (immunothérapies et agonistes des récepteurs d'orexine) pour mieux gérer les patients souffrant de narcolepsie, proposer une médecine personnalisée pour prévenir et diminuer le déclin cognitif dû aux problèmes de sommeil.

 

Méthodes

Nos activités s'appuient sur des cohortes épidémiologiques et des bio-banques de sujets âgés normaux et de patients souffrant d'hypersomnolences centrales : Étude 3C, Esprit, Prevent, MAPT et cohortes cliniques de CRMR, laboratoire du sommeil, CMRR. Les données comprennent le profil du sommeil (actigraphie, polysomnographie, questionnaires), les paramètres cliniques (cognitifs et cardiovasculaires), l'ADN (GWA, EWA, séquençage de l'exome), les sérums (anticorps contre la grippe), le LCR (monoamine, orexine), les cellules mononuclées du sang périphérique (PBMC) (CD4, CD8+ cellules T), le microbiote, l'IRM et l'activation microgliale.

 

Major publications

 

  1. Barateau L et al. Association of CSF orexin-A levels and nocturnal sleep stability in patients with hypersomnolence. 2020 Nov 24;95(21):e2900-e2911.
  2. Jaussent I et al. Natural history of excessive daytime sleepiness: a population-based 5-year longitudinal study. 2020 Mar 12;43(3).
  3. Bassetti C et al. Narcolepsy -clinical spectrum, aetiopathophysiology, diagnosis and treatment. Nat Rev Neurol. 2019 Sep;15(9):519-539.
  4. Dauvilliers Y, et al; Narcoflu-VF study group. Increased risk of narcolepsy in children and adults after pandemic H1N1 vaccination in France. 2013;136(Pt 8):2486-96.
  5. Dauvilliers Y et al. HARMONY I study group. Pitolisant versus placebo or modafinil in patients with narcolepsy: a double-blind, randomised trial. Lancet Neurol. 2013;12:1068-75.
  6. Gabelle A et al. Reduced brain amyloid burden in elderly patients with narcolepsy type 1. Alzheimer's Disease Neuroimaging Initiative; Multi-Domain Intervention Alzheimer's Prevention Trial study groups.Ann Neurol. 2019 Jan;85(1):74-83.
  7. Dauvilliers Y et al. Measurement of symptoms in idiopathic hypersomnia: The Idiopathic Hypersomnia Severity Scale. 2019 Apr 9;92(15):e1754-e1762.
  8. Ohayon M et al. Excessive Quantity of Sleep and its links to excessive sleepiness – Implications for the DSM-5. Ann Neurol 2013 Jun;73(6):785-94.
  9. Evangelista E et al. Alternative diagnostic criteria for idiopathic hypersomnia: A 32-hour protocol. Ann Neurol. 2018;83(2):235-247
  10. Dauvilliers Y et al. Measurement of narcolepsy symptoms: The Narcolepsy Severity Scale. 2017 Apr 4;88(14):1358-1365.
  11. Jaussent I et al. Excessive sleepiness is predictive of cognitive decline in the elderly. 2012 Sep 1;35(9):1201-7.
  12. Dauvilliers Y et al. Narcolepsy with cataplexy. Lancet 2007;369:499-511.

 

Collaborations

Au niveau national, Centre de Référence Maladie Rares Narcolepsie (Paris, Bordeaux, Lyon), R Liblau (INSERM Toulouse) C Peyron (INSERM Lyon)

En Europe, European Narcolepsy Network, et notamment avec G Plazzi (Bologne-Italy), GJ Lammers (Holland), M Tafti-C Bassetti (Switzerland)

Aux Etats-Unis, E Mignot, M Ohayon (Stanford), F Han (China), J Montplaisir / C Morin / R Postuma / Z Gor (Canada)

 

Fundings

ANR, ERare, PHRC, AOI, FRM, FIU, ITMO Santé Publique,SFRMS, Fondations, Private grants

CHU Montpellier, Université de Montpellier

 

Contact

Dauvilliers Yves